Sur les bords de la Seine, dans un appartement niché dans l’un des gratte-ciels parisiens, se vendent les premières créations d’une future icône de la mode : Gabrielle Bonheur Chasnel. Célébrissime sous le pseudonyme de Coco Chanel, la férue de mode débute ,en effet, son idylle avec cet art en tant que modiste, métier qui consiste en la conception de chapeau. L’activité fait recette. 

Un début sur les chapeaux de roues 

L’appartement devient fissa trop exigu pour accueillir la clientèle et les productions de la créatrice française. Elle déménage en 1910 vers un nouvel appartement et y continue son activité. Les deux biens immobiliers ayant été les théâtres de son activité avaient été respectivement prêtés par Etienne Balsan avec lequel la liaison de Chanel battra de l’aile au profit de son ami, Arthur Capel qui finança son second appartement. Trois ans après, son premier magasin de vêtements ouvre ses portes. Alors que la première guerre mondiale bat son plein, Bonheur chasnel continue d’habiller ses clientes et de renflouer les caisses de son entreprise. Et ce, à telle enseigne qu’elle décide de voler de ses propres ailes, hors du cocon financier et des appuis constants de son financier des premières heures, Arthur Capel. Élargissant les horizons de son business, elle met sur le marché un parfum qui restera dans l’air du temps comme l’une des identités olfactives de référence. Poursuivant son ascension, elle retracera les contours de la mode féminine dans l’antichambre d’un féminisme stylistique qui en est à ses premiers vagissements. 

Passée maître dans l’art de la masculinisation de la garde-robe féminine 

Les boutons, le tweed, les ganses d'uniforme, les cardigans, les bijoux fantaisies, le pantalon pour les femmes, la mode des cheveux courts se glissent dans les garde-robes féminines sous la férule de l’une des collections de Chanel : le Jersey de Rodier. La simplicité et la pratico-pratique du vestimentaire masculin est transposée sur le style féminin. L’égalité des genres ne pourrait mieux être revendiquée dans l’univers de la mode. 

Positionnement 

Ce positionnement sur une niche inexploitée est par ailleurs une approche marketing de distinction vis-à-vis de la concurrence. Une telle démarche pose la pierre angulaire d’une image de marque unique en son genre. De toute évidence, la communication, tant autour des produits et services que du branding corporate de la marque jouit ainsi d’une oreille plus attentive auprès de la clientèle qui s’assimile de fort belle manière au buyer persona en ligne de mire lors de l’élaboration de la stratégie de relations publiques et de marketing. 

Flashback

Derrière ces tenues sobres aux couleurs basiques, se dissimulent les stigmates d’une enfance particulière. Arrachée à l’affection maternelle à 12 ans suite au décès de sa génitrice, elle apprendra la couture durant ses 6 printemps passés à l’orphelinat. Sous le diktat de ce cadre austère, au sein duquel la simplicité est le maître-mot, elle esquisse à grands traits, dans son inconscient, les balises du style qui sera promu par sa maison de couture. A 18 ans, elle affinera également ses aptitudes en tant que couseuse dans la commune française : Moulins. Contre mauvaise fortune elle fera bon cœur d’autant qu’en dépit d’une telle enfance, elle n’hésite pas fréquenter les endroits huppés à y pousser la chansonnette, attirant ainsi les regards de richissimes hommes. Écartelé entre deux univers, elle s’est bâtie un empire autour d’une fondation mêlant le style sobre religieux au raffinement de la classe bourgeoise. 

À la recherche du lustre d’antan 

Entre 1939 et 1945, elle met en berne ses activités dans le domaine de la couture, faisant plein pot sur la parfumerie. Chanel fera son come-back dans l’univers du stylisme en 1953. Un leitmotiv « une robe qui n’est pas confortable est une robe ratée ». Crescendo, elle remet au goût du jour ses créations. Fidèle à sa ligne de départ alliée à la haute couture et à sa tradition exclusive du sur-mesure, elle passera in fine son sacro-saint à la trappe au vu du manque de rentabilité de son modèle économique. Ses premières tenues prêt-à-porter seront ainsi commercialisées sous licence. 

Coco Chanel cassera sa pipe en 1971, à l’âge de 88 ans. Au vert depuis la création de l’entreprise, les indicateurs de Chanel passent en 1983 au rouge. Karl Lagerfield est nommé aux commandes de la direction artistique. Ayant reçu carte blanche de sa hiérarchie pour ses créations, il ne tarit pas d’inventivité.  Il tient de main de maître son poste jusqu’à son décès en 2019. Les pages suivantes de l’histoire stylistique contemporaine de marque aux doubles C entrelacés seront écrites par Virginie Viard. Dans le sérail de la marque et proche collaboratrice de son défunt prédécesseur, elle reprend le flambeau de la prestigieuse marque française. Avec un chiffre d'affaires estimé à plus de 17 millions de dollars, selon le tabloid hexagonal, le Parisien, la marque aura de facto réussi à tenir le pari de la constance. 

Entre le zist et le zest 

Parler de mode, de chanel, c’est faire un clin d’œil aux défilés de mode. Dans l’univers créatif, le champ des possibles étant infini, la fertilité de l’imagination fait trotter dans les matières grises des idées dont la réalisation suscite des tumultes.  En 2018, un défilé de la marque dans un décor réalisé avec des arbres coupés en forêt et apposés sur le lieu met les feux aux poudres. Se faisant remonter les bretelles suite à ce doigt d’honneur à la Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises, l’entreprise sort un tour de sa manche. La marque joue la carte du reboisement en annonçant une politique de planting d'arbres. A son corps défendant, Chanel indique avoir obtenu le blanc-seing des autorités pour la coupe des arbres. Un scénario qui a mille et une allures d’une saga à laquelle aucun mastodonte des industries créatives n’échappe. Hyperactive sur le front social, la marque a enjolivé son branding corporate avec la mise en place d’un fonds mondial dédié à la culture. Une action qui fait écho au partenariat de Chanel avec la fondation du roi Charles III qui œuvre à la formation des générations futures autour du savoir-faire d’excellence. L’enseigne Chanel épousant la vision de sa fondatrice, n’a de cesse de coudre de fil en aiguille, de senteur en fragrance, des tenues, des parfums, des accessoires, des produits de luxe indémodables. Parce que « la mode passe, le style reste ».

Charles Assagba