Depuis l’Auditorium du Sofitel sur les bords de la lagune Ebrié, c’est un voyage, une excursion, à destination de 3 pays africains figurant dans le cercle fermé des nations du continent ayant réussi à dynamiser les relations public-privé en vue de booster la compétitivité et la durabilité des entreprises. C’est le trajet offert par le panel de haut niveau animé par l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo (Olu Baba), son homologue capverdien, Pedro Pires ainsi que l’ancien premier ministre Éthiopien, Hailemariam Dessalegn ,sans omettre le ministre de l’industrie de la Côte d’Ivoire, Souleymane Diarrassouba.
La méthode Obasanjo
Première escale à bord du 11 è vol d’Air CGECI Academy, le Nigeria. Quand il empoigne le micro, à l’aide de son storytelling, une machine à remonter le temps, Olesegun Obasanjo, de son surnom ‘’ Baba'' (ancien président du Nigeria entre le 29 mai 1999 et le 29 mai 2007) fait un tour d’horizon de 2 actions prioritaires autour desquelles se sont articulées sa gouvernance en prélude à l’atteinte de ses objectifs économiques dont le secteur privé est la pierre angulaire. Au rang de priorité numéro un sur sa to do list, le rétablissement de la paix et de l’unité. « Aux élections, à ma sortie de prison, en tant que candidat de l’un des 3 principaux partis du pays, j’ai été élu avec plus de 63% des voix à la suite d’un régime militaire qui ne voulait pas quitter le pouvoir. J’avais un pays fragmenté. D’abord, j’ai négocié avec mon parti malgré leur désaccord pour faire un gouvernement d’union nationale pour avoir la paix et construire l’unité sur le plan politique malgré que mon parti estimait que le taux de la victoire me légitimait ». Dans la foulée, le nouveau numéro un nigérian d’antan renforce l’arsenal juridique et resserre l’étau sur les auteurs et bénéficiaires des putschs. « Ensuite, j’ai identifié ceux qui ont participé ou bénéficié du coup d’état précédent. Ils ont été emprisonnés ou contraints à la retraite anticipée. Parce qu’un soldat sans son uniforme n’est rien. Et ça a servi d’exemple pour que personne ne s’adonne ou ne profite d’un coup d'État. Si vous participez ou bénéficiez d’un coup, vous allez avoir les coups de la justice ». Majoritairement francophone, c’est un auditoire équipé de casques bien ficelés sur les oreilles écoutant la traduction des propos de l’orateur de la langue de shakespeare à celle de Molière, qui a vu “Baba” mettre les pieds dans le plat économique intimement corrélé à son épopée sur l’émergence des entreprises nigérianes compétitives et durables. « Nous avions besoin de 3,5 milliards de dollars pour régler la dette. Nous avons pu avoir des réductions d’environ 1 milliards de dollars ». En vue de combler ce gap, le président opère un choix stratégique. « Nous avons mis l’accent sur l’agrobusiness et l’industrie », a-t-il expliqué.
L’histoire Aliko Dangoté
Se faisant des nœuds au cerveau pour la mise en œuvre de cette vision, au détour d’une nuit blanche, il cogite sur la situation du plus grand importateur de ciment, Aliko Dangote. Le lendemain, les deux hommes tiennent un rendez-vous dont l’ex-président résume la teneur : « A 5h, je l’ai appelé et je lui ai dit je voudrais te rencontrer à 7h. Je lui ai demandé : "Aliko, pourquoi transportes-tu, mais ne produis-tu pas de ciment ? Il m’a répondu : Parce que j’ai plus de profit d’importer que d’en produire. Je lui ai demandé de faire en sorte que tout en produisant localement, il puisse gagner autant voire plus que lorsqu’il importe. Il ne s’en croyait pas capable. Mais je l’ai accompagné. J’ai même engagé une assistante secrète qui me donnait toutes les informations sur l’avancée du projet. Un jour, Aliko m’a dit: " Mon projet n’est pas gouvernemental mais tu as plus d’informations que moi. Je lui ai dit qu’il est de mon devoir de savoir comment ça fonctionne et de vérifier que tout marche ». Résultat des courses ? A en croire le récit du président, le pays a développé la capacité de produire 30 millions de tonnes de ciment contre moins de 5 millions avant le coup d’envoi de ce changement de paradigme. Des exemples de cette trempe ? L’ancien président nigérian en détient à foison. Il revendique à minima 40 millionnaires en dollars. Sur le CV de l’ancien président nigérian, l’intitulé adéquat serait : Faiseur d'entrepreneurs milliardaires, compétitifs et durables. « J’ai été appelé par le président Chirac, Blair, Clinton pour aider les entreprises de leurs pays. Le partenariat entre le gouvernement et le secteur privé doit être fort pour que les objectifs de compétitivité et de durabilité soient atteints ». Pour clore son propos, l’ancien chef d'État a exhorté le secteur privé et les citoyens ayant une âme entrepreneuriale à ne cesser d’avoir en ligne de mire d’apporter des réponses à des besoins. « Quelqu’un s’est rendu compte que quand on ferme les voies pour les évènements, il n’y a pas de toilettes. C’est une opportunité, le business des toilettes. Il en a profité”.
Ethiopie, Ctrl C best -practices à l’extérieur, Ctrl V dans le secteur privé national
La politique du benchmarking. Tel a été la clé de voûte de l'État éthiopien en vue de relever le défi de la compétitivité de son secteur privé. Énumérant la liste des pays desquels, l’Ethiopie a pris de la graine et levant un coin de voile sur les résultats obtenus, Haile Mariam Dessalegn ( premier Ministre entre le 20 août 2012 – 2 avril 2018) a fait lire entre les lignes, l’importance de cette approche. « Nous avons un problème de mindset qui doit être changé. Parce que c’est grâce à cela qu’un pays comme la Corée est passé de pays qui demande l’aide internationale à un pays qui contribue à l’aide internationale. C’est ce qui peut nous aider à avancer. Nous avons appris des Coréens, mais aussi, comment développer les nouvelles technologies. L’Éthiopie est le pays qui produit le plus de bétail. Nous avons l’un des meilleurs cuirs. Nous avons appris de l’Italie, de la Corée et de la Turquie pour la fabrication de chaussures par exemple. Pour les formations, nous payons pour le secteur privé parce que nous connaissons les retours qui en découlent. Nous avons développé des champions nationaux pour le secteur du cuir, du textile etc…. Nous sommes parmi les 5 exportateurs de fleurs et nous avons appris de l’expertise des investisseurs du Pays-Bas qui ont été mandatés pour accompagner notre secteur privé. Si tu n’apprends pas, tu ne peux pas changer les choses. C’est le partenariat public privé qui a été au centre de notre politique de développement. Si nous ne le faisons pas, le secteur privé s'orientera vers des voies faciles pour créer une économie spéculative ».
Le fighting-spirit
Poussant le bouchon, on ne peut plus loin, l’ancien chef du gouvernement éthiopien a touché du doigt, la problématique des mauvaises habitudes à la peau dure, à adresser. « Nous devons accélérer parce que nos mentalités ne sont pas en lien avec la compétitivité. Notre gestion de temps, de l’heure africaine, c’est juste la paresse, c’est une problématique. Nous devons être plus patriotiques. La productivité d’une jeune fille chinoise est 6 fois plus élevée que celle d’une éthiopienne. Nous avons fait une formation avec les Chinoises et les éthiopiennes. C’est une problématique de changement d’éthique de travail. Finalement elles sont devenues plus productives que les chinoises elles-mêmes ». Dans le costume d’auteur d’une success-story en termes de relations B2G, Haile Mariam Dessalegn, figure institutionnelle a tiré à boulet rouge sur l’attitude du secteur public. Un hara-kiri à priori, qu’il considère à posteriori de son expérience comme un défaut à gommer. « L’élément de changement c’est la bureaucratie. C’est toujours un problème de mentalité. Chaque fois que le secteur privé vient pour un service, il croit qu’il est le boss. Le secteur privé est frustré et parfois ça va même au-delà. Nous sommes très ouverts et avons un partenariat très spécial avec le secteur privé ».
Cap-Vert, le cap sur tourisme et le numérique
“Vous avez enregistré des succès économiques majeurs et mis en place un environnement des affaires attractif, qui a permis le développement des services, en particulier dans le domaine du tourisme”. Ainsi résumé en quelques lignes par le patron du patronat ivoirien, la patte Pedro Pires sur le Cap-vert est un iceberg dont il a révélé, ce jeudi, la partie invisible. L’ancien président (22 mars 2001 – 9 septembre 2011) a en effet souligné que le tourisme est devenu le point névralgique de l’économie de son pays, à la faveur de plusieurs concours de circonstances. L’ancien patron de l’exécutif a mis en relief une utilisation adéquate des ressources financières en vue de créer les conditions propices au développement de l’industrie touristique pour le secteur privé. « On a utilisé de façon utile l’aide au développement pour combattre les effets de la sécheresse, de l’érosion et de la destruction de la nature ». Le second ingrédient de la recette magique capverdienne a été la réorientation des flux financiers provenant de la diaspora. « On a eu un compromis avec la diaspora. Une bonne partie d’entre eux a déposé ses réserves dans les banques. Toutes les composantes de la nation se sont mobilisées pour construire le pays. La solidarité et la contribution des capverdiens de l’extérieur ». A en croire Pedro Pires, le tourisme ayant fait les frais du coronavirus, le pays a mis le cap sur la diversification de l’économie avec notamment la création d’un « centre de nouvelles technologies ».
Trois illustrations, trois success-stories dans le sillage desquels, la Côte d’Ivoire pourrait glaner des best-practices à implémenter en vue de renforcer la dynamique de transformation structurelle de son économie d’ores et déjà enclenchée et dont le Ministre de l’industrie et du commerce, Souleymane Diarrassouba a fait un point d’étape. De la méthode Obasanjo au Nigeria pour la création de champions nationaux à la love-story secteur privé, secteur public et apprentissage interétatiques en Ethiopie en passant par l'efficience de la gestion de la manne financière Capverdienne, ce panel aura été un partage d’expérience de haute portée pour la Côte d’Ivoire
Charles Assagba