Fondée par un ancien colonel de l’armée populaire de libération à la fin des années 1980, Huawei, qui emploie aujourd’hui 170 000 personnes, symbolise l’ascension des nouvelles technologies chinoises sur les marchés émergents.
« C’est une marque unique dans le monde industriel chinois, explique le consultant français Jérémy Rubel, expert dans les télécoms. Huawei est la seule entreprise privée chinoise qui a réussi à s’imposer à l’international en misant uniquement sur la recherche et le développement. » Plus de 14 % de ses revenus mondiaux – soit six milliards de dollars par an – y sont ainsi investis. Un ratio similaire à une marque comme Google.
« Nous sommes arrivés en Afrique en 1999, explique Roland Sladek, vice-président du groupe pour la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient. Nous avons commencé à nous déployer dans des pays comme l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria. Là où la classe moyenne est importante. Notre objectif a toujours été de bâtir une relation à long terme avec nos clients africains. »
Former 30 000 ingénieurs sur le continent
Aujourd’hui, le groupe de Shenzhen est en train de construire les installations de plus de 80 % des réseaux 4G en Afrique et tire l’équivalent de 50 000 kilomètres de fibre optique à travers le continent ! « Nous étions souvent considérés comme la marque chinoise vendant seulement des téléphones bon marché, s’amuse Roland Sladek. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui nous vendons des appareils entre 500 et 700 dollars pièce, essentiellement à la classe moyenne africaine et nous installons sur le continent les télécoms de demain. Nous sommes déjà numéro deux en Afrique ! »
Lors du dernier sommet Chine-Afrique à Johannesburg, Huawei était le seul représentant des télécoms chinois dans la délégation officielle du Forum des entrepreneurs. Charles Ding, l’un de ses vice-présidents, a présenté son programme « Afrique connectée » dont l’un des aspects consiste à installer des réseaux de téléphone portable dans plus de 500 villages africains, comme en Zambie, et à former 30 000 ingénieurs. Une nouvelle approche du commerce en Afrique pour contrer la mauvaise image qui colle souvent à la peau des entreprises chinoises.
« L’un des défis principaux est de bâtir des réseaux fixes, précise Roland Sladek. Ce n’est pas toujours facile surtout dans des régions reculées. Il faut travailler avec des entreprises locales pour faire des travaux, construire des routes, gérer les problèmes d’infrastructures qui ne sont pas toujours aux normes internationales. »
Une quarantaine de partenariats signés
Les deux tiers du personnel de Huawei en Afrique sont en effet des employés locaux africains. Une stratégie là encore bien différente de la plupart des multinationales chinoises qui font surtout appel à des expatriés. Résultat : la marque multiplie les mariages comme avec Camtel au Cameroun, Orascom en Egypte ou Etisalat en Centrafrique. Au total, une quarantaine de partenariats ont déjà été signés. « Huawei a débauché les meilleurs ingénieurs du monde des télécoms, précise Jérémy Rubel. La marque sait s’entourer ».
Elle est aussi associée au français Thalès dans la vidéo- surveillance à Abidjan ou à Orange en Afrique du Nord. « Quand les Chinois investissent à l’étranger, ils ne veulent pas tuer la poule juste pour avoir un œuf. Ils savent que les meilleures innovations viennent de l’Occident et ils cherchent donc à en profiter. Pas à les copier, ni à les voler… Car cela tuerait leur développement. »
Mais si Huawei mise autant sur l’Afrique c’est aussi parce qu’elle a du mal à s’imposer aux Etats-Unis et en Europe. Une marque chinoise dont les liens avec l’armée sont évidents inquiète les services secrets occidentaux, mais aussi certains hommes politiques. On se souvient encore à Shenzhen de l’offensive anti-Huawei menée en 2013 par le ministre français Arnaud Montebourg dans sa défense d’Alcatel.
Etendre son emprise
Rien de tout cela en Afrique. Les accusations d’espionnage par les services chinois via Huawei n’empêchent pas la marque d’étendre son emprise. « Il y a maintenant très peu d’accusations de ce type, se défend Roland Sladek. Personne ne contrôle tous les marchés et nous travaillons en Afrique comme ailleurs avec plusieurs fournisseurs, comme Vodafone ou Orange, ce qui est un gage de transparence. Nous avons également mis en place un système de vérification interne et indépendant qui contrôle nos activités. »
Mais les rumeurs sont suffisamment gênantes pour que le président du groupe lui-même sorte de son silence : Ren Zhengfei s’est ainsi défendu d’espionner pour le compte de son gouvernement. L’ancien chef de la sécurité intérieure des Etats-Unis, Michael Chertoff, avait lui-même mis en garde les Etats africains contre ce qu’il qualifie de « menaces stratégiques pour leur sécurité ».
Source: Le monde.fr
Le titre est de la rédaction.
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